jeudi 24 avril 2014

Déluge de mots (octobre 2013)

Beyrouth. Les façades criblées de colonnes et de balcons difformes. La guerre comme maquillage désuet, une ville-collage où le temps semble être pris de saccades, se figeant dans une succession d'époques et accélérant sa course dans une myriades de quartiers, y niant ses illustres vestiges en balayant les poussières de sa propre Histoire. L'insolence des tours immaculées tente d'élever les regards loin du pandémonium moite qui règne dans les rues, entre les collines de gâchis plastifiés et les corps meurtris des morveux syriens gisant dans leur bave et leurs larmes sur les genoux de celles qui avaient peu et ont tout perdu. Carrosseries rutilantes et tas de tôles souffreteux produisent un grondement constant qui s'accompagne d'un orchestre de klaxons singulier, braillard et enjoué, péremptoire, familier et gratuit. Les porteurs d'uniformes grouillent, trimbalant leurs instruments de mort ou de paix aussi différents d'âge que de taille aux côtés de tonnes d'acier sur chenilles, veillant à la bonne tenue des rapports entre les hommes et les fous... Et au milieu, au cœur de cet amas de plaies et de fureur, de suspicions et de rancoeurs, d'oubli et de parpaings fêlés, la Vie. Une vie tour à tour unique, folle à enfermée, déterminée, bordélique, rêveuse, poétique, ingénieuse, naïve, brûlante, paranoïaque, généreuse, immature et experte dans le domaine du chaos immuable.