La France, semble-t-il, est en pleine overdose de Charlie. Tout le monde doit prendre parti, s’indigner (c’est à la mode), faire valoir son avis. Vu du Liban, les opinions divergent aussi, et les réactions vont d’un extrême à l’autre, avec ce sens de la démesure qui caractérise parfois ce petit pays aux plaies toujours béantes qui n’en finit plus de collectionner les cicatrices.
vendredi 30 janvier 2015
vendredi 9 janvier 2015
jeudi 8 janvier 2015
Vengeance (2014)
Nouvelle écrite à partir du thème "un objet envoyé par une puissance mystérieuse", donné par mon ami Thierry
La pluie s'abattait sans relâche sur le
goudron usé de la vieille route du port de Sébastopol. Les rares lampadaires
qui marchaient encore jetaient une lumière froide sur les briques des entrepôts
abandonnés. Pas une âme en vue, excepté les chiens squelettiques qui
traversaient de temps en temps la route en claudiquant, la tête basse. Là, niché
entre deux immeubles couverts de graffitis, un bar aux fenêtres opaques dont
émanaient les grondements sourds caractéristiques des musiques électroniques du
début de ce siècle. La soirée commençait à peine, et l'endroit débordait déjà
de jeunes éméchés, pour la plupart des rejetons de dockers et de marins dont la
vie n'était faite que de réveils douloureux et de descentes morbides, seules
alternatives à l'ennui qui dominait la ville. Comme chaque soir, les drogues de
synthèse bas de gammes changeaient de main à un rythme soutenu sans qu'on s'en
offusque plus que cela. Il régnait à l'intérieur une agitation inhabituelle,
des cris couvrant même parfois les basses grasses et saturées.
Nous sommes tous Charlie / Le savoir est une arme
Treize. Treize
sans compter les blessés, les vies brisées, les traumatisés… Et les coupables
courent toujours. D’autres ont apparu, et apparaîtront encore. Depuis hier, je
suis haineux par intermittence, et lucide le reste du temps. Surtout parce que
depuis Beyrouth, voir la France unie de cette manière, ça calme. C’est beau. Mais
ce sont les jours et les semaines à venir qui, je crois, seront déterminantes. « Nous
sommes tous Charlie Hebdo ». Tu m’étonnes. Plus que jamais. Et plus que
jamais, le savoir est une arme. La compassion aussi. L’unité surtout, face à
des événements d’une telle violence, qui pourraient aisément morceler bon
nombre de pays. Et le nôtre l’est déjà tellement. Le gouvernement ne pourra pas
régler la situation, qu’il le veuille ou non. Les médias, même ceux dont les
intentions sont louables, cherchent déjà à gagner le marathon de l’image choc.
Les derniers philosophes sont morts.
lundi 5 janvier 2015
Graffiti libanais
A mon arrivée au Liban, j'avais la ferme intention de découvrir le monde du graffiti local, ayant moi même taggé (maladroitement) Paris pendant un bon tiers de ma vie. Au bout de quelques mois j'ai eu la chance de faire la connaissance -par le billet des rédactions pour lesquelles j'écrivais- d'une majorité des acteurs de l'art de rue local, qui se sont révélés être d'une remarquable humilité, et ont finis par me convaincre de me joindre à eux. Un an plus tard, mon apprentissage n'en est qu'à ses débuts, mais les murs de la ville se couvrent de peintures, et l'année 2015 s'annonce comme la plus productive de la jeune histoire du graffiti libanais. Phat 2, EpS, Barok, Kabrit, Wyte, Moe, Exist, Spaz et d'autres sont partis pour changer le visage de Beyrouth, et j'ai bien l'intention de participer.
Le Torchu et le Cornu
Nouvelle écrite à partir du thème "Un gros fils de p**e rencontre le Diable"
Montregneux sous le Binioux, petit bourg d'un
millier d'habitants tout au plus, était un de ces villages que l'on éviterait
volontiers, si on avait le choix. Ca n'était pas non plus un coupe-gorge où
grouillaient les coquins de toutes sortes, entendons nous bien, mais il y
régnait une atmosphère étrange, malsaine même. Surtout parce qu'il n'y avait
qu'à Montregneux sous le Binioux que vous aviez une chance de tomber sur
Saturnin dit « le Torchu »,
qui était selon le vieux Adhémar, « le bougre de pignouf le plus
sournois qu'ai jamais goûté l'eau d'not' puit ». Et le vieux Adhémar se
trompait rarement, sauf le soir, lorsqu'il était rond. En l'occurrence, il
avait bien raison : « le Torchu » était un petit homme poilu et
volubile, qui avait un talent inné pour la fourberie, le mensonge et la
bataille corse, grâce à laquelle il amassait de jolies sommes d'argent contre
qui voulait bien se mesurer à lui. Il était l'unique fils d'un soiffard
quelconque et d'une poissonnière revêche qui mourut bruyamment en lui donnant
naissance, ce fut donc Armandine, une lavandière du village, qui fut chargée de
le nourrir et de l'élever. Une fille très bien, Armandine. Joviale et dodue,
peu encline à poser des questions idiotes, et bonne travailleuse.
Pour quelques gouttes de bourbons...
Nouvelle rédigée à partir du thème "Une intrigue politique bien véreuse"
De l'extérieur, le vieil immeuble de style
colonial du numéro 144, Olive street, ne payait vraiment pas de mine. Plusieurs
planches manquaient à la façade, et la couleur de celles qui restaient n'avaient
plus qu'un lointain rapport avec le blanc éclatant et vainqueur de leurs
jeunesse. Des affiches rendues illisibles par le passage du temps couvraient
les fenêtres, et la lourde porte en chêne était dépourvue de poignée. Rien ne
différenciait l'endroit des autres bâtisses en lambeau qui bordaient à l'époque
bon nombres de rues à Saint Louis, Missouri. C'était bien là le but, mais peu
étaient au courant, et ceux qui l'étaient le gardait pour eux.
Celui qui marche
Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept.
Huit. Neuf. Dix. Lève la jambe droite,
pivote, fouette le sol du pied droit. Recommence. Un pas. Deux. Trois. Quatre.
Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Saloperie de neige. Sournoise poudreuse.
Essaye donc de garder une contenance quand chacun de tes mouvements menace de
se terminer en gamelle d'anthologie. Pas question de trébucher, de glisser, de
trembler. L'impact serait énorme. Du genre dont on ne se relève pas. Les
touristes n'en ont rien à foutre de ça, ça leur passe au dessus. Ignorants.
Cette satanée statue devant laquelle je fais les cent pas, encore et encore,
c'est pas rien. C'est le « monument de la Liberté » de Riga. C'est un
symbole. C'est un doigt d'honneur. Résistance aux Nazis, résistance aux Russes.
Demandez à un Letton si c'est important pour lui. Un peu que ça l'est. On a pas
beaucoup de choses dont on peut être fier, ici. Tenez, je suis même sûr que 90%
de la population mondiale ne connaît pas le nom de notre pays. Et mon AK74 pèse
une tonne. Hop, demi tour. Et c'est repartit.
samedi 3 janvier 2015
Rencontre au Sommet II (2015)
Le psy dormait profondément la tête sur les
avants bras, vautré sur son bureau alors que sa radio deuxième main crachotait
les paroles d'une chanson de rap britannique. Autour de lui, sur le sol, des
pièces d'échecs étaient éparpillées entre les livres et les paquets de tabacs à
rouler. L'écran de son défunt ordinateur gisait sur le côté gauche du bureau,
et l'unité centrale en faisait à présent partie intégrante, ayant remplacé le
pied avant droit. Devant le poster de « LA Woman » couvert de poussière
qui trônait sur le mur adjacent au canapé bancal, sur la droite, un chat
montait la garde. Créature grisâtre et difforme, presque deux fois plus large
de croupe que d'épaule et dépourvue de poils sur les pattes avant, il suivait
de ses yeux presque fermés les volutes de fumées d'encens qui montaient du
cendrier devant lui pour se répandre au plafond. Autour de son cou rachitique,
un collier de cuir élimé, sur l'arrière duquel était collé un post-it qui
disait : « achetez un furet », le mot « furet » étant
souligné quatre fois. Deux mouches volaient en silence au-dessus de la tête du
psy.
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