Un jour de plus dans la mécanique
parfaitement huilée de la Citadelle. Acheminer des ressources
précieuses vers les salles des niveaux inférieurs, se tenir au
courant des informations qui sont passées de groupes en groupes
concernant la météo, les plans pour la journée et les besoins de
la Reine. Jouer son rôle fièrement, systématiquement, en prenant
note de chaque petit détail qui pourrait sortir de l'ordinaire afin
d'en alerter mes semblables. Ne pas se... BOUM. Un bruit effroyable,
une secousse de fin du monde, chacun se fige, pas un mot. BOUM. Toute
la Citadelle a tremblé cette fois, certains commencent à rompre les
rangs pour chercher refuge plus bas ou au dehors, je suis incapable
de bouger. BOUM. Encore un choc assourdissant. Le plafond s'écroule
par endroit, la panique s'est emparée des derniers sceptiques, ça
court en tous sens dans les hurlements et la poussière. BOUM. Mes
voisins sont ensevelis sous les décombres. Je vois ce qui reste
d'eux qui en dépasse, décharné, disloqué, et je réprime un haut
le cœur en cherchant du regard ma femme, qui a disparu voici
maintenant une bonne minute. BOUM. Tout un quartier de la Citadelle
vient de s'effondrer sur lui même, emportant avec lui un bon millier
d'âmes qu'on ne reverra jamais plus, l'air est irrespirable, ça
sent la peur, la haine, la mort, il faut partir sur le champ. BOUM
BOUM. La paralysie qui s'était emparée de moi relâche son étreinte
et je m'élance dans une direction au hasard, haletant. Je bouscule
ceux qui croisent mon chemin, je leur marche dessus, je les mords si
ils tentent de me ralentir, il n'y a plus d'ordre, de loi, de
logique. Une civilisation part en fumée en l'espace de quelques
minutes. On passe d'une gestion millimétrée de chaque heure de la
journée à un chaos sanglant où chacun semble avoir perdu la tête.
Quelqu'un me frôle, je me retourne, c'est un garde de la Citadelle
qui se dirige vers l'origine des chocs. BOUM. Couvert de cicatrices,
éclopé, il fonce droit devant lui, suivit par plus d'une centaine
d'autres soldats de tous âges, pour qui la fuite n'est pas une
option. Ils me dépassent l'un après l'autre, et je ressens l'Appel,
aussi clair que si ils m'avaient adressé la parole directement. Au
diable ma femme, si tant est qu'elle soit encore en vie. Pourquoi,
pour qui devrions nous vivre si la Citadelle est réduite à néant ?
Me voilà tout à coup soldat, au même titre que mes frères et
sœurs qui forment à présent des colonnes, s'engouffrant dans les
corridors encore intacts. BOUM. De la lumière, au bout là bas.
BOUM. Nous sommes projetés en tous sens par la violence des chocs,
mais rien ne saurait nous dévier de notre unique but : détruire
l'ennemi qui menace notre race, qui met en danger notre Reine Mère,
qui détruit notre patrie.
De la lumière, au bout de
l'entrée numéro 87. Nous accélérons le pas, en échangeant un
maximum d'informations sur ce qui nous entoure, ce qui nous attend,
les stratégies possibles. A ma droite cavale un soldat d'élite, un
de ceux capables d'atteindre une cible mouvante à distance sans
difficulté. Il saute par dessus les obstacles, fait valdinguer les
pauvre fuyards qui arrivent en sens inverse. BOUM. L'instant d'après,
sa tête n'est plus qu'une masse gluante, écrasée par un des
rochers qui vient de chuter de la voûte au dessus de nous. Pas le
temps de le pleurer, nous avons trop envie du sang de l'ennemi,
certains civils nous rejoignent spontanément comme je l'ai fait un
peu plus tôt. Nous sommes presque dehors, la ferveur de mes
camarades me transporte, ça y est, la lumière, le jour, le combat,
l'ennemi est immense, démesuré, sa tête disparaît presque dans le
ciel, des jets d'acides tirés par nos meilleurs tireurs l'atteigne
sans le ralentir, BOUM, nous hurlons en nous lançant à l'assaut.
BOUM BOUM BOUM. ELIE. Nouveau bruit déchirant, plus aigu celui là.
Les destructions infligées à la Citadelle sont béantes,
dantesques, à peine croyables. L'ennemi est seul mais semble
indestructible, le voilà qui se penche vers nous et nous balaye de
ses pattes ignobles, je vois une trentaine de mes frères et sœurs
mourir broyés en un instant. ELIE. Puis des dizaines d'autres alors
que les pas de la chose qui semble avoir juré notre perte continuent
leur œuvre d'anéantissement irréversible. BOUM. ELIE. Cette chose
est en train de mettre fin a notre existence, et la majorité des
dégâts qu'il inflige sont le fait de ses simples déplacements,
j'aperçois une créature similaire encore plus monumentale qui fonce
vers nous, je me rapproche d'un groupe de soldats et tente un assaut
de côté sur notre premier assaillant, mais le voici qui tourne vers
nous sa tête hideuse, je pense à ma femme et à nos enfants, qui
étaient heureux et en vie voici quelques minutes à peine, une patte
colossale s'abat sur nous à une vitesse à peine croyable, je sais
que c'est la fin, je...
…...............................................................................................................................................................
« -Elie ! Elie ! Mais
qu'il est con ce gosse, il ne peut pas s'en empêcher c'est pas
possible ! Elie ! »
La jeune femme attrape le poignet de
l'enfant, qui saute sur une motte de terre à pied joint en
babillant, de minuscules insectes grouillant tout autour de lui, puis
elle l'entraîne sans ménagement vers une grande nappe bleu et
blanche étendue dans l'herbe, sur laquelle un homme est assoupis,
torse nu, le visage rougi par le soleil.
« -Gab ! » glapit la
jeune femme, « Gab ! » L'homme se réveille. « Tu
veux pas surveiller le gosse un peu ? » lui lance-t-elle,
visiblement agacée. « Je viens de retrouver Elie en train de
s'acharner sur un nid de bestioles, t'imagines le traumatisme si il
se fait piquer ou je sais pas quoi ? »
L'homme fronce les sourcils, peu concerné.
L'homme fronce les sourcils, peu concerné.
« -Boum ! » s'écrit
l'enfant en riant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire