mercredi 11 juin 2014

Week end de Pâques et petites précisions sur le "Parti de Dieu" (avril 2014)

Un autre mois sans attentats majeurs. Les combats entre pro et anti- Assad à Tripoli, deuxième ville Libanaise derrière Beyrouth, ont pris fin après une ultime intervention de l'armée. L'élection présidentielle approche, et avec elle la crainte de nouveaux troubles, mais pour l'instant le pays est à peu près calme. Malgré les réfugiés, malgré la Syrie, Israël et les autres puissances régionales, le Liban tient debout. Il vacille et stagne piteusement, mais il est debout. 


Un nouveau président et un gouvernement d'action sont, à priori, la seule échappatoire qui reste au pays pour ne pas sombrer dans le chaos à court terme. En permettant enfin l'extraction du pétrole et du gaz qui gisent au large des côtes du pays, par exemple. Les médias continuent de rendre compte d'une activité politique souvent risible, obsédée par les mêmes chimères et les mêmes démons. Gloire au Hezbollah, mort au Hezbollah, vive Michel Aoun ou vive Samir Geagea... Le chef des druzes Walid Joumblatt est avec le 8 mars ? Perdu, depuis ce matin il est passé dans le camp du 14 mars, comme le mois dernier. Migraines dantesques à prévoir pour qui tente de s'intéresser sérieusement au sujet : en bon pays pétris de paradoxe qu'il est, le Liban reste infiniment complexe même dans son immobilité et dans les discours creux des politiciens ressassés à en perdre leur plume. Pas étonnant donc que les jeunes libanais se désintéressent autant de la politique de leur pays, et préfère émigrer ou s'en détacher pour de bon.

Quelques lois importantes sont passé grâce au gouvernement provisoire. L'une d'entre elles devait enfin garantir des droits et des moyens de défense aux femmes battues par leurs maris... Mais un amendement de dernière minute l'a privé de son sens. Une autre a permit aux loyers qui étaient restés bloqués depuis des décennies de pouvoir à nouveaux être augmentés, provoquant la terreur de certains (« mais comment vont faire les pauvres gens ? Il va y avoir des émeutes, ils ne l'appliqueront jamais cette loi ») et l'indifférence des autres (« bof, de toutes façons ici presque tout le monde est propriétaire, ça ne va pas changer grand chose dans les faits »), comme toujours. Les étals des magasins se remplissent de drapeaux qui inonderont bientôt les balcons et les voitures, coupe du monde approchante oblige. « Approchante » voulant ici dire « dans 4 mois », puisque Pâques et ses trillions de chocolats sont passés et qu'il faut bien refourguer des bêtises aux gens d'ici Halloween...

Le tableau ci-dessus semble triste, pourtant ma vie ici ne l'est pas. Avec peu, on peut faire un paquet de chose dans le coin. Il a suffit d'un petit week end pascal pour que je m'en rendre véritablement compte. Un vendredi passé à marcher entre potes dans la vallée de la Kadisha, au nord de Beyrouth, loin des manoirs hideux et des hôtels de 20 étages qui polluent une bonne part du Liban provincial. Soleil de plomb, paysage de montagnes escarpées et de maisons centenaires baignés dans les effluves d'herbes et de fleurs qui rappellent de très loin le sud de la France. Rencontre avec Dario Escobar, ermite colombien qui prie pour l'humanité jour après jour dans sa petite grotte enrichie de murs en pierres blanches au milieu de la vallée. Vingt trois ans ans qu'il est au Liban, dont 12 ans à passer son temps entre la chapelle et le potager et à dormir à même le sol. Il n'est pas retourné dans son pays depuis un incident survenu dans un aéroport aux Etats Unis, lors d'une escale. S'appeler Escobar, être colombien et originaire du même village que le parrain du trafic de drogues de l'époque et venir du Liban, ça crée des frictions. Et il ne peut pas respecter son vœux de solitude et de silence puisque les gens des environs viennent souvent lui rendre visite pour lui demander conseil... Mais il s'en accommode bien, et manie aussi bien l'arabe que l'anglais et le français, même si c'est en espagnol qu'il semble prendre le plus de plaisir à communiquer. Petit pause mentale et physique, à scruter la vallée sans pouvoir déceler de déchet ou de béton. Pas de bruit. Pas de route. Des pins, des sentiers escarpés, des oiseaux. Dans un pays où plus d'un tiers de la population chasse et où l'on trouve des fusils à pompes pour 350$ un peu partout, c'est rare les oiseaux. La chasse est interdite bien sûr, tout comme le port de la ceinture est obligatoire, les feux de circulation présents, le graffiti proscrit... Mais toutes ces lois semblent être de grosses blagues, ce qui ajoute au sentiment de liberté incroyable et relatif à la fois qu'on éprouve après quelques semaines passées au Liban.
Un monastère dans la vallée de la Kadisha
Une petite nuit passée à Bcharrée, dans les montagnes. C'est le village natal de Khalil Gibran et de Samir Geagea. Autant dire de l'incarnation locale de la poésie et du talent autant que de la soif de pouvoir et de sang. J'exagère, Geagea n'a probablement plus les mains aussi cramoisies qu'au temps de la guerre civile, mais voir un type comme ça sur des affiches immenses disposée partout, avec la phrase « un homme honnête » écrite en dessous en arabe, ça fait un peu froid dans le dos. Pour les français qui lisent ces lignes, dites vous qu'en fusionnant le Pen père et fille, en ajoutant Pasqua et Hortefeux et en saupoudrant de Batskin, vous seriez encore loin, très loin du compte. Nos « facho » français, présumés ou avérés, me font doucement rigoler à côté des politiciens d'ici (quelque soit leur religion d'ailleurs), Geagea, Béri et Joumblatt en tête, avec Aoun pas loin derrière. A la différence qu'ici, chacun d'entre eux compte encore aujourd'hui bon nombre de partisans, comme à Bcharre où Geagea est vénéré par une majorité de la population, qui se targue par ailleurs de ne compter aucun musulman...

L'ambiance y est en tout cas très étrange le soir. Des jeunes en quad font le tour de la place principale à toute vitesse, d'autres restent assis à 5 dans leur voiture et se goinfrent continuellement. Pas un véritable bar en vue, le seul tripot ouvert passe en boucle des scènes ultra violentes de films bibliques pour la quinzaine de clients qui carburent aux sodas et aux narguilés. On fait un peu tâche avec nos jeux à boire et nos gueules d'étrangers... Pas facile (ou pas malin) de faire la fête un vendredi saint en terre chrétienne. 



Le lendemain, après avoir marché encore un peu sous le cagnard en s'enivrant du paysage, il est temps de se séparer en deux groupes. La voiture dans laquelle je monte doit passer le col de la montagne pour nous emmener dans les plaines de la Bekaa, à l'est. Arrivé au sommet, le temps s'arrête. Des rochers, de la neige, un vent glacial et puissant. A droite, la Kadisha, à gauche, la Bekaa. Vallée sèche mais verte contre plaines céréalières monotones qui se terminent aux pieds des montagnes formant la frontière naturelle avec la Syrie, à l'horizon. On sort de la voiture pour prendre quelques photos en sautant comme des cabris , avant de marquer d'une paire de tags un vieux bloc de béton au sommet du monde. De notre monde, du moins. Dans la voiture, la sono crache les paroles de « Square Dance » d'Eminem : « Oh yeah, don't think I won't go there, go to Beirut and do a show there ». Irréel, absurde et inoubliable, même si in fine mr Mathers n'a jamais mit les pieds au Liban.



Côté Kadisha

Côté plaines de la Bekaa


La descente dans les plaines de la Bekaa donne l'impression d'arriver sur une autre planète : des champs à perte de vue, peu ou pas d'arbres, les camps de réfugiés en tôles et en toiles qui bordent la route et les villages. Les couleurs sont passée des différents tons de verts clairs et de blanc inondés de soleil aux marrons grisâtres des pâturages et des cultures diverses, qui se confondent alors que le ciel se couvre. Les maisons sont en béton brut, presque sans exception. Beaucoup ne sont pas terminées et des tiges de métal rouillées hérissent nombre d'entre elles, comme en Grèce. Les villages se succèdent, mornes et sales, sans laisser voir la moindre trace du passé. Sur notre trajet, pas de traces des habitations en terre séchée que l'on trouve en remontant vers El Kaa. Nous finissons par arriver à Baalbek, grande ville majoritairement chiite de l'est du pays que nous ne prenons pas le temps de visiter puisque le but de notre venue est de parcourir les célèbres ruines qui s'y trouvent. Tandis que nous nous dirigeons vers l'entrée du site, nous croisons la route d'un gamin en larme, assis sur le trottoir. Il tient dans une main le type de broutilles sans valeur que les enfants syriens vendent aux carrefours à Beyrouth. Il a peut être 8 ans. Les notions d'arabes de mes amis et mes grimaces ne suffisent pas à lui rendre le sourire, ne serait-ce que pour un instant. Il explique en sanglotant que ses parents refusent de le laisser rentrer chez lui tant qu'il n'aura pas récolté au moins 10 000 livres libanaises (5 euros)... Je suis accroupis devant lui et je lui tapote le dos sans succès, lorsqu'une silhouette énorme s'avance derrière moi, et je tourne la tête juste au moment ou un touriste gras et et sans expression se penche et approche un appareil photo à 40 centimètres du visage de l'enfant. Clic. Puis il continue son chemin sans un mot. La cohorte de cons qui le suivent regardent le gosse avec des moues amusées, comme s'ils posaient les yeux sur un chaton des rues. Le petit ne réagit pas, mes amis et moi somment comme paralysés. Plusieurs secondes se passent sans que l'on ne dise mot, incapables de concevoir la scène qui vient l'avoir lieux sous nos yeux. Nous finissons par laisser le gamin en lui souhaitant bon courage, le cœur broyé, une fois que le gros des larmes est passé. C'est alors que la foire à touriste commence, sans les touristes puisqu'il n'en reste presque plus. Un dromadaire est enchaîné à une grille, on peut payer pour le monter quelques instants. Peu importe qu'il n'y jamais eu de camélidés dans la région, ce qui compte c'est que les touristes y croient grâce à une équation simple : pays arabe = sable, bédouins et chameaux. Les vendeurs ambulants nous agrippent avec force pour nous refourguer des t-shirt jaunes et verts du Hezbollah (je ris), des chech miteux (j'en prend deux), et des pièces de monnaies supposément vieilles de plusieurs siècles (je ris à nouveau), mais nous parvenons rapidement jusqu'à l'entrée.

Les deux heures qui suivent passent lentement, silencieusement. Ces hectares de pierres millénaires, de colonnades imposantes et de statues défigurées, où nous sommes absolument seuls et où nous pouvons grimper à notre guise imposent une sorte de respect muet. Les textes explicatifs n'apprennent pas grand chose sur les lieux, et sont truffés d'approximations et de « probablement », d'« à priori » ou de « selon la théorie généralement acceptée ». Mais comme souvent, le seul fait de savoir que le vestige de temple sur lequel on se tient a été bâti aux alentours de trois siècles avant Jésus Christ suffit à provoquer chez moi un émerveillement de gosse, une admiration sans borne pour les architectes, ouvriers, tailleurs de pierres et maçons qui ont consacré leur vie à réaliser ces merveilles. Commencer à construire un palais en sachant qu'il ne sera terminé que par ses arrières petits fils... L'idée a de quoi fasciner. Juché en haut d'une tour en ruine, assis en short sur l'Histoire, je scrute le haut de la colline adjacente, où des miradors et des barbelés protègent ce qui ressemble à une base de l'armée. Les murs en béton armé paraissent chétifs et vains devant les tonnes de rocs blancs qui forment l'enceinte des ruines.

Le soleil se couche derrière d'épais nuages noirs, et nous finissons par reprendre la route de Beyrouth, où nous attend un concert de reggae endiablé. Situé dans un genre de zoo qui se targue de renvoyer en Afrique et en Asie les animaux exposés (qui ont pour la plupart été apportés au Liban illégalement par des particuliers), l'événement ne coûte pas grand chose, et les quelques dizaines de personnes présentes font honneurs aux musiciens et DJ venus les faire danser. L'idée de visiter le zoo -situé derrière la scène- se révèle particulièrement déprimante, malgré les « têtes d'affiches » qui nous avaient attiré à la base. En plus des singes neurasthéniques et des paons déplumés, on trouve un canasson, de taille moyenne, planté au milieu d'un enclos minuscule. Le panneau qui contient son descriptif dit simplement « cheval ». Les lions, eux, sont recroquevillés dans leurs cages respectives et ne réagissent pas aux cris de joie et aux flash des appareil des visiteurs ivres. Le tigre, lui aussi, gît pitoyablement dans un coin de sa cellule d'une douzaine de mètres carrés, le regard dans le vide. Après un silence angoissant, nous faisons demi tour et retournons danser après nous être changé les idées sur des trampolines sans doute placés là stratégiquement. Tout misérables qu'ils sont, ces animaux ont en fait de la chance de se trouver là. Le propriétaire du zoo les récupère souvent en piteux état, et fait de son mieux pour les remettre sur pied avant de les renvoyer dans des réserves plus proches de leur habitat naturel.

La journée de dimanche ne mérite pas de longues description, puisque nous la passons à guérir nos tempes douloureuses en gardant une immobilité quasi-complète sur une plage non loin de Byblos, magnifique vieille ville chrétienne située entre Beyrouth et Tripoli.

Et le lundi, direction Sour. Sour, ville du sud Liban où les forces de la FINUL (des genres de casques bleus), les chiites et les chrétiens vivent en bons voisins, où les plages sont aussi immenses que vides et où l'on trouve autant de barbus enturbannés que de touristes saouls. Sur la route qui y mène, on passe plusieurs checkpoint, avant d'entrer de plein pied dans les terres du Hezbollah. Les militaires libanais sont toujours présents, mais les milliers de drapeaux jaunes et vert frappés d'une kalashnikov (symbole de la résistance) que l'on voit sur les bas côtés, sous les ponts et aux fenêtres de beaucoup d'immeubles sont un signe clair que l'on pénètre en territoire « autonome ». Et peut être est il temps de faire une brève pause pour clarifier quelques points à ce sujet.

Contrairement à une croyance partagée par beaucoup d'occidentaux, le Hezbollah n'est en aucun cas comparable à Al Quaeda ou Boko Haram, même si les médias (ou « Homeland ») tendent parfois à faire croire le contraire. Créé grâce à des fonds iraniens en 1982, en pleine guerre du Liban, le Hezb' s'est à la base donné pour mission la destruction de « l'ennemi israélien » qui occupait alors la moitié du pays, et l'expulsion des contingents français et américains du sol libanais. Le but ultime est à l'époque de transformer le pays du cèdre en république islamique à l'iranienne, en suivant les préceptes de l'ayatollah Khomeyni. La méthode utilisée à l'époque se basait en majorité sur les enlèvements d'occidentaux et les attentats à la bombe ou au camion piégé, comme en 1983 contre les marines américains (271 morts) et les paras français (58 morts). Depuis, le Hezb' a continué de combattre, contre ses frères chiites du mouvement Amal par moments (1987-1988), et plus souvent contre les phalangistes chrétiens et les forces d'occupation syriennes et israéliennes. La guerre du Liban prend fin en 1990 avec les accords de Taef, qui achèvent de retirer tout poids politique et militaire aux chrétiens. Israël quitte le sud du pays en 2000 (mais conserve jusqu'à aujourd'hui le petit territoire libanais des fermes de Chebba, où les accrochages sont réguliers), puis c'est au tour de la Syrie de se retirer suite aux soupçons dont elle fait l'objet après l'assassinat du premier ministres libanais Rafik Hariri en 2005. Mais entre temps, toujours financé et armé par l'Iran, le Hezb' a diversifié ses activités, son rôle social grandissant décennie après décennie. Ecoles, hôpitaux, cliniques, universités, entreprises de construction, réseau secret de communication... Il se lance même en politique, et s'allie avec le Courant Patriotique Libre du chrétien Michel Aoun, formant le « Camp du 8 mars » en 2005. Dans ce cadre, la nouvelle charte du Hezb' dévoilée en 2009 abandonne l'idée d'une république islamique et prône entre autre l'amélioration du rôle de la femme dans la société libanaise, l'indépendance de la justice et la préservation du multiculturalisme. En 2006, la guerre contre Israël se solde par une victoire du Hezbollah, qui conserve son stock de missiles et de roquettes malgré les bombardements intensifs qui mettent le Liban à genoux. Et dès le conflit terminé, le « parti de Dieu » s'attelle à la reconstruction et à l'aide aux populations déplacées avec une efficacité et une rapidité que lui envie le gouvernement libanais, paralysé et mal organisé. C'est cet aspect social, en plus de la victoire contre Israël, qui contribue le plus à la popularité du Hezb' chez les chiites libanais et une part importante des chrétiens. La différence majeure avec Al Quaeda est là : bien qu'ayant eu recours aux attentats suicides dans le passé, et en dépit de ses méthodes violentes (assassinat, enlèvements) et des ses financements illégaux (trafic de drogues et d'armes, racket), il serait réducteur de mettre le Hezbollah dans la même catégorie que Boko Haram, le Djihad Islamique ou Al Quaeda, puisque la branche militaire de l'organisation ne représente qu'une de ses facettes. Aujourd'hui, le Hezb' contrôle toujours la majeure partie du sud du Liban et une majorité des plaines de la Bekaa, et refuse de rendre les armes tant que l'armée libanaise ne sera pas assez puissante à ses yeux pour résister à une éventuelle attaque israélienne.Avec les années, l'organisation a diversifié ses revenus, devenant tentaculaire et omniprésente à tous les niveaux de l'état libanais. Qu'on soit bien d'accord sur un point: je ne fais pas ici l'apologie du Hezb', l'idée est simplement de clarifier certaines zones d'ombres pour mettre en évidence les différences majeures entre ce parti/milice et d'autre organisation classée "terroristes". 

C'est donc bien en territoire du Hezbollah que l'on débarque, en ce lundi brûlant d'avril, serrés dans deux voitures et souriant comme des gamins. Aucun danger d'enlèvement en l'occurrence, puisque le Hezb' est toujours en train de s'acheter (ou plutôt de se racheter) une conduite politique qu'il n'entend pas compromettre. Et que les timbrés de Jabhat al Nosra et consorts lui donnent déjà suffisamment de fil à retordre. On passe Saïda, ville sunnite de la côte sud, et la végétation autour de la route se fait plus luxuriante, presque tropicale. Depuis mon arrivée dans ce pays je n'avais pas vu de couleurs aussi vives, aussi exagérément naturelles. Palmiers, champs débordants de fruits et de feuilles immenses dont le vert va de l'émeraude au fluo. Et à droite, tout au long du chemin, la mer à perte de vue. Arrivée à Sour, visite du souk où nous croisons un groupe de soldates ghanéennes (membres de la FINUL) en uniforme qui font leur marché en plaisantant joyeusement. Quelques mètres plus loin, des enfants fuient et rasent les murs à notre passage, terrifiés par Schtroumpf, le petit chien pourtant inoffensif de nos amis libanais Raoul et Youmnah. Lorsqu'Anna (la moitié de votre serviteur) effleure par mégarde les cheveux de l'un d'eux, sa mère s'interpose et frotte vigoureusement la zone de contact, comme pour en laver une potentielle odeur de canidé... L'explication de ces comportements est fort simple : en Islam, le chien est généralement considéré comme l'animal le plus sale et le moins digne de respect qui soit, et ceux qui le touchent se voient souillés. D'où la hausse du nombre de clébard dans beaucoup de quartiers chrétiens... La balade dans les rues continue, et nous finissons à la plage. Un kilomètre de sable fin, peut être 100 personnes en tout se prélassant au soleil, les femmes voilées prennent des "selfies" à la chaîne tandis que des malabars tatoués vendent des bières à tour de bras. Tant de paradoxes pour une si petite ville une fois de plus. Un vent de jeunisme souffle et bientôt notre petit groupe se lance dans l'édification d'un vaste château de sable avec ses murs, ses tours, ses tunnels et ses ponts. Les heures passent, et nous devenons rapidement une petite attraction pour les passants, qui mitraillent notre œuvre de photos alors que nous la couvrons de peintures vives. Dialogues surréalistes avec des hommes et des femmes différents à l'extrême et pourtant curieux et affables. Baignades revigorantes dans une eaux tiède que parcourent des vagues parfois impressionnantes. Puis, alors que le soleil se cache à l'horizon, retour à Beyrouth, épuisés, rincés mais reconnaissant d'avoir tant de chance. 

En quatre jours, j'ai eu l'impression d'avoir parcouru un continent, peut être deux, et pourtant je n'ai pas bougé de cette bande de terre dont la superficie est égale à celle de la Gironde. Des montagnes aux plaines céréalières, des plages de galets aux étendues de végétations luxuriantes. Ce pays semble parfois défier les lois de l'espace et du temps. 



















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